Expérimentation du dispositif de l’autoconfrontation croisée au sein de la STIB
Mémoire FOPA de Fabienne Denève - juin 2014 (résumé)
A l’heure actuelle, il est récurrent d’entendre que la transmission des savoirs et savoir-faire d’une profession à une personne novice est difficile. Cette problématique n’échappe pas à la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB).
Comment, afin d’assurer la continuité du service, transférer de façon optimale les connaissances opérationnelles et l’expérience professionnelle acquise sur le terrain aux ouvriers juniors avant le départ à la retraite des ouvriers seniors? Comment permettre au senior d’assurer la formation du junior? sans impacter la rentabilité du service?
Ces difficultés et questionnements ont conduit une mémorante de la FOPA, Fabienne Denève, à rechercher une méthode active où l’oralité, la vision des gestes et les échanges interactionnels seraient prônés. Elle a opté pour l’autoconfrontation simple et croisée.
Autoconfrontation croisée, démarche métacognitive
Cette méthode d’analyse de l’activité humaine consiste à confronter un ou plusieurs participants à une tâche professionnelle en les incitant à la commenter en présence d’un interlocuteur. En prenant son activité comme objet de réflexion, le participant se confronte à une activité métacognitive sur sa propre pratique.
Ce processus de transmission innovant a donc pour objectif de comprendre la dynamique d’action des sujets par une co-analyse qui mise sur le développement du sujet, du collectif et de la situation. Au travers de cette co-analyse, les participants élargiront leurs connaissances et leurs compétences pour pouvoir, in fine, opérer des transformations durables et performantes dans le milieu de leur travail. L’activité est généralement présentée sous forme d’enregistrement vidéo, mais peut selon les situations également comprendre des données audio, voire transcrites.
L’expérimentation du processus a montré que l’autoconfrontation croisée, par le biais des séquences filmées, permet de se voir faire et facilite par conséquent la correction de certains gestes techniques. Le fait de pouvoir faire des allers-retours, des arrêts sur image amène les ouvriers à s’observer davantage dans l’exécution de leur tâche et à être plus attentifs au travail de l’autre. La vision du film provoque des échanges verbaux à propos de ce qui a été vécu, de ce qui aurait pu ou dû être fait, ce qui a empêché l’acte d’être réalisé, de pointer les hésitations, les questionnements, la prise de risque, de cibler les indicateurs qui ont incité les ouvriers à effectuer ces gestes-là plutôt que d’autres.
Échanger, confronter, co-analyser pour développer des compétences
L’autoconfrontation croisée permet la confrontation des points de vue, entraîne les personnes à argumenter leur façon d’agir en fonction du contexte professionnel et conduit les acteurs à prendre distance par rapport à leurs agissements afin qu’ils soient critiques vis-à-vis de leurs pratiques et réfléchissent seuls ou ensemble à d’autres manières de travailler en vue d’améliorations tant au niveau technique qu’au niveau de la rentabilité. Les images témoignent à la fois de ce qui a été correctement et efficacement effectué et des modifications à apporter aux gestes. Le fait également de pouvoir revoir les mouvements à son aise facilite la mémorisation de ceux-ci. Pour le senior, les séquences filmées lui permettent de se rendre compte des gestes qu’il effectue, car avec toutes les années d’ancienneté et d’expertise, ils les réalisent de manière machinale. Grâce au film, il a l’opportunité de revoir les différents indicateurs qui le poussent à agir de cette façon et d’en expliquer les raisons au junior.
Les séquences filmées permettent aussi au junior de mieux se rendre compte des erreurs qu’il commet. Le senior peut y réagir en lui présentant d’autres manières d’agir plus adaptées et plus rentables par rapport à la situation de travail. Le junior peut également faire des propositions d’amélioration de ses gestes techniques et, par les échanges provoqués par cette méthode de co-analyse, discuter du bien-fondé de celles-ci et envisager leur exécution. Le temps pris pour les échanges pendant les séquences filmées pourrait être regagné lors de la concrétisation des nouveaux gestes sur le lieu de travail.
4 facteurs-clés de réussite
Pour garantir la réussite de la mise en œuvre de l’autoconfrontation simple et croisée, les facteurs-clés suivants doivent être réunis :
- l’oralité
- la vision des gestes via le support des séquences filmées
- la confiance mutuelle
- les échanges interactionnels.
Sans cela, l’activité de l’autoconfrontation simple et croisée perd tout son sens et ne pourrait être expérimentée quel que soit le milieu professionnel.
D’autres voies d’autoconfrontation croisée
D’autres pistes peuvent être considérées quant à l’utilisation de la méthode de l’autoconfrontation croisée. Une proposition serait de faire visionner un film explicitant le métier aux ouvriers novices et/ou aux stagiaires susceptibles d’être engagés afin que ceux-ci puissent se rendre compte de ce qui les attend réellement sur le lieu professionnel.
Une autre proposition serait de montrer les séquences filmées au junior dans un but didactique lorsque le senior ne sera pas ou plus présent à ses côtés. Le junior pourrait donc y faire référence en cas de besoin.
Une dernière proposition serait d’utiliser l’autoconfrontation croisée avec les ouvriers novices qui éprouvent des difficultés à lire et à déchiffrer des instructions dans les manuels ainsi que les schémas dessinés en appui. Par le truchement des images, ils comprendraient peut-être plus facilement et plus rapidement les gestes à effectuer.
L’expérience au sein de la STIB a montré la richesse de cette méthode active. Même si ce dispositif de co-analyse demande un aménagement du temps et un réel investissement de l’employeur, c’est clairement une solution de transmission des savoirs et savoir-faire à recommander.
Si vous souhaitez consulter le mémoire de F. Denève, veuillez contacter Geneviève Weber, Conseillère à la formation FOPA - Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation UCL Tél.: +32(0)10/472388 ou genevieve.weber@uclouvain.be
2 références bibliographiques de base
Barbier, C. (2011). Autoconfrontation et analyse des activités humaines. In Le Meur, G. & Hatano, M. (Sous la direction de). Approches pour l’analyse des activités. Paris : L’Harmattan. Action & Savoir, Rencontre.
Clot,Y., Faïta, D., Fernandez, G. & Scheller, L. (2001). Entretiens en autoconfrontation croisée : une méthode en clinique de l’activité. Education permanente, 146, 17-25.