Si l’apprentissage était linéaire, ça se saurait !
« La prochaine fois, je serai attentif à ça… » « Je ne ferai pas deux fois la même erreur… » « J’ai voulu aller trop vite… »
Une table ronde des internes autour du thème « Qu’apprenons-nous de nos échecs ? » a été organisée le 9 décembre par le Groupe Epsilon.
Sur base d’exemples concrets, tirés du partage de projets « ratés » par des membres de notre communauté, nous avons développé une check-list des points auxquels nous devons rester attentifs lors de la mise en place d’un dispositif de formation.
Cet article est basé sur une réflexion et un partage de groupe. Nous n’avons pas la prétention de vous apprendre quoi que ce soit de neuf : nous sommes juste dans une logique de partage du fruit de nos réflexions.
Premier enseignement : « Ne voulons-nous pas toucher le ciel ? »
Lors de nos discussions, nous avons été directement confrontés à l’importance du terme « Projet » :
- Amélioration du service d’accueil
- Mise en place du management à distance
- Développement d’une procédure d’accueil des nouveaux collaborateurs
Ces exemples concrets, partagés lors de notre rencontre, montrent à quel point la mise en place d’un « dispositif de formation » n’est pas l’unique réponse. Ces thèmes impliquent des changements au cœur même de l’organisation tant au niveau de la collaboration entre les services que de la structure de l’entreprise.
Si nous savons depuis longtemps que la formation est un moyen (et en aucun cas une réponse), nous avons tout de même pu mettre en avant une évolution : les services « Learning & Development » sont de plus en plus sollicités pour la réalisation de projets stratégiques au sein de l’organisation.
La transversalité des actions menées sollicite l’implication et la collaboration d’un nombre important d’acteurs de terrain. Développer des actions stratégiques pousse le service « Learning & Development » à se positionner comme partenaire du développement de l’organisation.
Nous nous devons de suivre ce changement pour rester un acteur clé du soutien de la direction et des employés.
Dans un premier temps, en nous assurant que la position du service « L&D » est claire et adaptée au sein de l’organisation :
- Quels sont nos rôles, notre mission et notre vision ? Quels types de projets prenons-nous en main ? Quels sont nos processus d’entrée et d’analyse de la demande ?
Cette première étape, validée par la direction et soutenue par le terrain, nous permettra d’agir comme partenaire de l’opérationnel.
La première question de notre check-list sera : sommes-nous un réel partenaire du développement de l’organisation ?
Ce positionnement se fera par l’adoption de procédures claires et communiquées vers les utilisateurs. Nous avons déjà mis en avant l’importance du terme « Projet », vu l’impact des réalisations du service « L&D », ce dernier se doit d’utiliser, dès l’entrée de la demande, des méthodologies de gestion de projet pour identifier les parties prenantes (ex : RACI), analyser la situation actuelle (ex : SWOT), mettre en avant les risques (ex : risk management) ou encore planifier et clarifier la démarche (ex : project charter).
Ces principes, non-exhaustifs, qui seront propres à chaque organisation, permettront de traiter les demandes de manière standard et d’évaluer les premiers « risques » de problèmes ou d’échec.
La deuxième question de notre check-list sera : sommes-nous habilités à gérer des projets de développement stratégique ?
Deuxième enseignement : « Et si on commençait par la fin ? »
« Améliorer l’accueil physique et téléphonique à la réception »
« Développer l’orientation client de nos collaborateurs »
Si l’importance d’une structure « Learning & Development » forte au sein de l’organisation est capitale, la notion d’objectifs fut également une source d’apprentissage de nos erreurs.
Des objectifs trop généraux, pas en lien avec la réalité du terrain, mal communiqués ou avec des attentes différentes nous ont prouvé qu’il est indispensable, pour un projet réussi, de connaître son commanditaire et de définir clairement son rôle (à ajouter dans nos processus L&D).
Notre commanditaire sera notre partenaire pour définir la vision à long terme du résultat final.
L’importance d’une vision (plutôt qu’un objectif concret) permet une ouverture d’esprit et offre la possibilité de changer de cap en cas de besoin. Lors de nos échanges, plusieurs expériences ont montré l’importance de revoir sa copie à temps et d’oser dire « Stop » en voyant « arriver le monstre ».
Fixer des étapes intermédiaires permet de revenir vers notre commanditaire et de nous assurer que nous allons dans la même direction (également pour faire le lien entre ses attentes et celles du public-cible). Ces étapes sont également un moyen de mettre en avant les risques et les difficultés rencontrées (délais, budget,…).
En résumé, adopter des démarches « Agiles » lors de la mise en place de notre dispositif de formation est une plus-value pour la réussite de nos projets qui ne se déroulent plus toujours dans un univers stable. (comme nous avons pu en faire l’expérience lors de notre partage).
La troisième question de notre check-list sera : notre commanditaire est-il connu (et est-il au courant ?) Avons-nous une vision claire de notre objectif final ? Avons-nous prévu des étapes intermédiaires ?
Troisième enseignement : « Définir le cadre »
Plusieurs de nos projets avaient trouvé leurs origines dans une demande de la Direction ou dans un plan de management. Le service « L&D » avait une position externe à cette demande.
Définir la situation initiale fut plusieurs fois cité comme un élément clé dans nos projets « ratés ». Cette situation initiale doit se baser sur des faits objectifs que nous pourrons quantifier. En effet, trop de nos projets avaient été construits sur une base « floue » avec une mauvaise définition dès le départ (par exemple: mauvaise définition du groupe cible, timing trop serré, budget ne permettant pas d’évaluer la satisfaction client pour un projet sur l’orientation client, etc.).
Plus qu’une analyse des forces et des faiblesses, il est important de clarifier l’origine de notre action et d’évaluer la pertinence du projet.
La quatrième question de notre check-list sera : avons-nous une vision claire de la situation actuelle que nous pouvons comparer à la situation finale ?
Pour ce faire, nous pouvons utiliser plusieurs méthodes d’analyse des besoins (liste non-exhaustive) :
- La méthode des 8 champs : cadre d’analyse de l’impact des formations
- Le QQOQCP : méthode de résolution de problèmes
- Cadastre statistique
La cinquième question de notre check-list sera : avons-nous réalisé une analyse des besoins pour définir le cadre de notre projet ?
Quatrième enseignement : « Connaitre le terrain et s’y adapter »
Nous avons mis en avant l’importance de la communication et de la validation des attentes.
Comment ne pas vivre un échec quand les personnes qui seront impliquées par notre projet ne sont même pas au courant de sa mise en place?
Il est important de travailler main dans la main avec les parties prenantes afin de ne pas se retrouver à créer un projet de toutes pièces dans sa tour d’ivoire. Cela passe notamment par l’emploi d’un langage adapté à notre public-cible.
Qui ne s’est jamais retrouvé face à des participants à une formation pour qui les attentes n’étaient pas claires ou pas semblables à celles de l’organisateur ?
Nous devons impliquer directement les personnes qui seront impactées et créer l’engagement.
Pour ce faire, il peut être important de mettre en place des moments d’arrêts avec les parties prenantes pour s’assurer que les objectifs correspondent toujours à la réalité du terrain et que les attentes sont communes.
Nous aurons donc un « groupe » au sein duquel nous pourrons communiquer à chaque étape, mettre en avant les changements de direction et assurer que le projet soit une réussite commune.
La sixième question de notre check-list sera : avons-nous consulté le terrain concernant le dispositif à mettre en place pour combler l’écart entre situation actuelle et visée ? Avons-nous adapté notre méthodologie à leur réalité ? Nos objectifs sont-ils communs et connus ?
Conclusion
Restons sur terre, nous ne pourrons jamais éviter toutes les erreurs, anticiper tous les risques ou encore impliquer et engager tous les acteurs autour d’un même projet.
Nos plantages nous permettent de nous rediriger et d’apprendre de manière continue mais chaque projet à ses spécificités, sa réalité (et celle de ses parties prenantes).
Cependant, plusieurs leviers d’actions sont ressortis de nos échanges :
1. Prendre le temps
Il est important de prendre le temps pour construire une base solide. D’abord en définissant la structure et le fonctionnement du service L&D, ensuite en fixant la situation initiale et la situation visée et enfin en mettant en place des étapes intermédiaires et en évaluant si notre avancée correspond aux attentes de notre commanditaire et aux utilisateurs.
Avons-nous pris le temps de définir concrètement le cadre de notre projet : situation initiale, situation visée ?
2. Marquer des pauses
A la fin de chaque étape, nous devons évaluer nos réussites et nos échecs. Lister ceux-ci et les partager avec nos collègues pour éviter que les mêmes erreurs se répètent.
Avons-nous listé les erreurs / plantages / échecs de nos derniers projets ?
3. Ne pas réinventer la roue
La roue existe et des méthodes ont fait leurs preuves. Il n’est pas toujours nécessaire de vouloir repartir de zéro lors de chaque nouvelle mission. Prenons en compte les éléments positifs, ce qui a fonctionné par le passé et réutilisons ces bonnes pratiques. Allons également trouver nos collègues pour échanger et recevoir leurs bonnes pratiques.
Avons-nous listé nos bonnes pratiques lors de la mise en place d’un dispositif de formation ?
4. Avancer pas à pas
Enfin, s’il est indispensable d’avoir une vision à long terme de ce qui doit changer, nous devons avancer pas à pas en nous fixant des quick-wins et en revenant sur ceux-ci avec les réels « utilisateurs » de notre projet.
Rome ne s’est pas fait en un jour, plus que de prôner l’échec, nous souhaitons prôner la prise de temps pour mettre en place des projets bien construits et réfléchir à nos erreurs afin de ne pas les réitérer.
Merci à Benoit, Brigitte, Gisèle, Thierry, Pascale et Véronique pour le partage de leurs plantages et leur générosité.
De quoi vous donner des idées…
- Groupe de travail théorie U by Epsilon (en collaboration avec David Kirsch)
Livres
- Charles Pepin – Les vertus de l’échec
- Astolfi, Jean-Pierre – L’erreur, un outil pour enseigner